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INTERVIEW DE MR. ÉTIENNE

Jean-François ÉTIENNE est Secrétaire Général de la mairie et Directeur Technique de La Faute-Sur-Mer

Bonjour Mr. ÉTIENNE,

Sur le plan humain, savez-vous comment les gens ont été expulsé et s’ils ont eu des dédommagements ?


La première chose qu’il faut se dire, c’est qu’il y a eu plusieurs moments dans la crise entre 2010 et 2019, ce n’est pas une crise linéaire. La première phase auquel les populations ont assisté est la phase de relogement des maisons qui n’étaient pas habitables dans l’état. Sur 1200 procédures de relogement, plus de la moitié des sinistrés sont retournés dans leur maison à l’issu de la première ou deuxième semaine car elle n’était pas trop abîmées. La 2e phase est l’arrêté de sûreté concernant les 522 maisons pas réhabitables. La mairie a donc mis en place un interdit d’accès de la maison. Il va donc y avoir relogement, et les logements familiaux sont privilégiés quand on sait qu’il s’agit de périodes courtes. Pour des périodes longues, l’état doit approcher des “loueurs”. Les gens se dispersent un peu partout, et cela peut être long. Parfois 6 mois, 1 an, 2 ans. Le bien de la personne sinistrée continue de suivre un cycle, visites des experts et des assureurs. L’Etat va donc faire une proposition de rachat à l’amiable selon le prix du marché actuel. Les gens récupéreront les fonds en 2011, soit 1 an après le drame. Au moment où les gens reçoivent l’argent, ceux-ci ont déjà des projets individuels. L’état n’a pas accompagné les relocalisations et les gens ont donc pu décider de leur avenir individuellement. Celui-ci a “juste rembourser” les maisons détruites. On a donc une dispersion de la population après le drame, entre ceux qui souhaitent se réinstaller sur le territoire, et d’autres souhaitant partir.

On a 2 cas de figures différents.

Dans le cas de la Faute Sur Mer, le territoire est composé à 81% de résidences secondaires (qui est un des taux les plus élevés en France, on est ici confronté à une station balnéaire importante). Sur la zone impactée par Xynthia, on observe le même taux. Le relogement se fait donc différemment vu qu’il s’agit de résidences secondaires. Les habitants auront donc le choix de racheter une maison secondaire ailleurs, ou une autre à la Faute Sur Mer. Plus de 60% des habitants de la commune ont plus de 65 ans, la population présente donc beaucoup de résidences secondaires, ou des personnes âgées. Cependant, les élus de la commune s'intéressent surtout aux gens qui possèdent une résidence principal. Le projet de vie d’une personne de 65 ans dont la maison a été inondé va être différent que celui d’une personne ayant perdu sa résidence secondaire. Vers quel choix va t-il s’orienter ? Reconstruire à la Faute, ou bien se reloger dans une autre commune ? L’hypothèse donné par Mr Etienne est qu’une personne ayant une maison principal à la Faute dispose de relativement de capital pour en acheter une autre ailleurs, ou bien pour retourner en ville, beaucoup d'hypothèses sont énumérées.


La commune a t-elle subi des préjudices démographiques, économiques, ou touristiques ?


En une nuit, la commune  de la Faute-Sur-Mer a perdu 20% de son territoire et 25% de sa population. Aucune autre commune en France n’a perdu une aussi grande portion de son territoire en une nuit depuis la seconde guerre mondiale. C’est une situation qui provoque un gros traumatisme bien que la population soit marquée par des résidences secondaires.

La commune a perdu à peu près 30% de ses recettes fiscales mais en parallèle, n’a pas pu diminuer ses charges. Malgré les 522 maisons détruites ou inhabitables, les effectifs municipaux, les éclairages publics, les voiries, et l’assainissement collectif n’a pas été réduit. On se retrouve donc avec une commune qui perd 30% de ses recettes mais qui n’a aucun moyen pour réduire ses charges, ce qui implique une grosse perte d’argent. Aujourd’hui, d’après Mr.Etienne, les dépenses de la commune ont été réduite de 23%. Le bilan économique est lourd mais pas alarmant car la particularité de la commune de la Faute-Sur-Mer est sa richesse. Il a été plus simple de se redresser grâce aux réserves disponibles dans les caisses, mais cependant elle n’est plus dans la facilité financière qu’elle avait en 2004.



Y’a t-il un impact au niveau du tourisme ?


La résilience d’une commune se construit assez bien si l’accident est fort. Il est plus facile pour les populations de s’adapter à un endroit s’il y a eu un évènement fort, où l’on s’imagine que “l’accident est passé, s’il arrive quelque chose ce sera sur les autres”.

Les Fautais ont bien pris conscience qu’ils habitaient sur un territoire à risque et l’acceptent plutôt bien, ils autorisent l’implantations d’aménagements sécuritaires tel que les zones refuges, ou bien un renforcement du bâti en cas de catastrophe. Le problème principal a été de reconstruire une image, mais pas une image locale. Une image aux yeux de la France et des populations extérieures de la commune, qui imaginent encore les ruines “fumantes”, la peur, et le risque. Pour se faire, la mairie a en 2014 mis en place un projet de revalorisation de la commune, en instaurant un nouveau PLU, un golf, et des voiries. Il s’agit d’aménagements urbains variés afin de redonner une image positive du territoire, montrer qu’il existe encore de la vie à La Faute-Sur-Mer, et qu’elle reprend son cours.


Aujourd’hui encore y’a t'il un impact au niveau du tourisme ?


La résilience d’une commune se construit assez bien. D’autant plus si l’accident est fort.

Il est plus facile pour les gens de s’adapter à un endroit s’il y a eu un évènement fort.

Exemple à Noirmoutiers, accident faible donc les gens se disent l’accident fort est pour les autres et pas pour nous.

Les fautais ont bien pris conscience qu’ils habitaient sur un territoire à risque et qu’ils l’acceptent plutôt bien. Ils acceptent les zones refuges, renforcer le bâti etc.

Le problème a été de reconstruire une image, mais pas une image locale. Localement les Fautais n’ont pas l’impression d’habiter dans une zone catastrophique, hors à l’extérieur les gens imaginent encore les ruines, la peur, le risque, la catastrophe. C’est un rôle politique de reconstruire l’image.

En 2014, il y a eu un gros projet pour revaloriser le territoire (faire un golf, un PMU, des voiries,) et surtout faire de l’aménagement urbain pour redonner une image positive au territoire. Le projet est plutôt réussi puisque l’immobilier est en augmentation depuis 3 ans, de 19%.

L’objectif pour la commune était de gérer la crise, qui habituellement dure 4-5 ans, ici 2010-2014, puis en 2014 avec une nouvelle équipe, et des nouveaux projets on a pu observer une hausse des prix de l’immobilier.

L’immobilier prend 19% d’augmentation depuis 3 ans. Une fois la crise passée, après 4-5 ans (2010-2014) chacun se regarder et gère la crise.

A partir de 2014 avec une nouvelle équipe (maire en zonz) on voit l’immobilier qui repart avec une augmentation des prix, des ventes, avec un élément majeure -> ce qui est rare est cher. 80% du territoire n’est pas constructible a là Faute donc, ce qui fait que les terrains disponibles sont rares, et les peu qui y sont les prix montent, car la demande est toujours là.

La demande est grande, par des gens qui ont des revenus moyens/haut qui veulent quitte le système urbain français. C’est un choix où on a choisi de “vieillir”. Des lieux de villégiatures.

Quand on fait ce choix là, on le fait car on a une histoire par rapport a cet endroit là (passer les vacances quand on était jeune, famille qui habitaient là) les gens reviennent sur ce territoire afin de terminer leur vie.

Besoins qui priment foncier et financier donc grosse demande. gens de zones urbaines donc qui lâchent les sous pour acheter donc les prix montent

Problèmes à l’année -> ,problème pour loger les gens à l’année, ça gère mal le foncier, le prix du terrain augmente, la commune ne peut pas faire en sorte que les jeunes s’installent, les actifs ne s’installent pas ou ne restent pas.

FSM -> gros de la population = retraités (il donne une estimation sur 100 pers -> 60 retraités et 20-30% actifs locaux, dans des situations difficiles, soient des actifs qui travaillent à l'extérieur de la commune) modèle type de la commune littorale.


Comment la crise a été géré par les autorités à l’instant T : lors de l’arrivée de la tempête avant l'inondation (les premiers symptômes de la population) ?


Dans le contexte de 2010 les systèmes d’alertes étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. Le niveau de vigilance météo france, la submersion marine n’existaient pas.

2 niveaux de vigilance (vent/tempête, et inondation).

On est passé d’un niveau VDS en gros vent orange à vent rouge. Mais ct une alerte vent. Hors la consigne de sécurité lors d’une alerte vent est de rester chez soi. Consigne inadaptée à la problématique de la submersion marine qui est “sauve qui peu”.

Il y a eu des adaptations post Xynthia.

Lorsque la préfecture annonce aux élus reçois les annonces “tempête rouge” de la part de météo france, il annonce que les gens doivent rester chez eux.

Pleine nuit, donc appels, personne le fait. En parallèle de ça, rapidement plus d’électricité, mois de février, minuit et entre 3h du matin, lorsque qu’on se rend compte qu’il va y avoir surverse, les gens se sont en priorité enfermés chez eux.

Volets roulants électrique donc les portes ne s’ouvrent pas, les portes, plutôt étanches sont en surpression extérieur (portes en aluminium donc il faut 1m 1m50 d’eau pour les casser). La porte explose donc et toute l’eau se déverse à l’intérieur sous forme d’une immense vague, l’eau emmène donc tous les meubles et la personne avec. (+ eau a 8°)

Ce qui explique aussi les enfants qui sont touchés, les personnes âgés…

Rupture des ouvrants qui créent une vague, on passe de 5 cm d’eau à 1m80-2m par maisons.

Mauvaise gestion, mais faites en fonction de la gestion de l’époque.

Le choix d’évacuer ou pas la population n’a pas été plus mauvais a la faute qu’ailleurs, le maire n’a pas été condamné pour ça. (car c’était la procédure à suivre selon une tempête, de rester chez soi). Ils ont suivi l’aspect logique en fonction de la procédure à suivre à l’époque.Ils ont été condamné pour le déni et d’avoir donné des permis de construire sur des zones inondables.

Lors de la surverse, l’eau a commencé à passer par les routes le long des digues qui ont été construites pour rejoindre les bassins ostréicoles  (qui s’abaissent avec l’usure et les passages répétés des voitures).

A partir de minuit, il n’y avait que 5 cm d’eau autour des maisons. Les gens qui ont vu l’eau assez tôt dans la nuit sont directement partis car ils pouvaient aisément circuler avec des bottes. A un moment, il y a eu une surverse sur 450 m de long dans un ouvrage (on passe de petits trous de la largeur d’une route à une surverse de 450 m). Donc, face à cette énorme arrivée de volume d’eau, le temps de réaction est beaucoup plus court. On voit donc que les systèmes censés protéger l’Homme, ici les digues, peuvent être à double tranchant.

Ensuite, les gens appellent les pompiers et ils arrivent. A partir du moment où un événement dépasse l’ampleur de la commune, ce n’est pas le maire qui prend la main, c’est le préfet selon le principe national. Celui-ci crée un poste de secours opérationnel sur lequel il réunit ses équipes. Le préfet est donc venu avec le commandant de gendarmerie et ont installé un poste de commandement central et ils ont ensuite pu gérer la totalité de la crise. Ce poste de commandement central était là pour gérer les secours, l’organisation avec la sécurité civile. Donc la sécurité civile est arrivé sur le site en début de matinée et les pompiers sont intervenu un peu plus tôt dans la nuit. La sécurité civile est surtout spécialisée en génie civil, l’installation de matériaux, de tentes etc. Cette organisation s’est établie sur 48h environ avec l’intervention des secours par hélicoptères et au sol.

Les communes ont ensuite pris la main lorsque les pompiers sont partis - Le rôle des collectivités n’est pas d’intervenir sur le secours aux personnes mais soit de faire de la prévention en amont d’un événement (diffusion d’informations liées à un risque, document de programmation d’urbanisme, l’organisation des moyens de défenses comme les digues) -

Les communes reconstruisent peu à peu la ville. Ils appellent les gestionnaires de réseaux pour remettre de l’électricité. Ils créent un 2e cellule de crise à l’échelle de la commune de 48 à 72h après l’événement. A la Faute sur Mer, elle a mis 5 jours à se mettre en place dû au fait qu’on était situé dans une cuvette et donc que l’eau a été difficile à faire évacuer. Ensuite, des équipes ont été réparties pour gérer au mieux chaque domaine.


Y a-t-il eu une intervention d’acteurs scientifiques ou extérieurs à la catastrophe pendant la crise ou en post-crise ?


Il y a eu des interventions mais très tard. Les collectivités locales ont commencé à se tourner vers le monde scientifique très tard, au delà de 6 mois après l’événement. Les scientifiques étaient surtout des universitaires des villes de Nantes ou encore la Rochelle. L’intérêt de se tourner vers ces scientifiques s’est vraiment concrétisé lorsqu’il fallait commencer un plan communal de sauvegarde, savoir ce qu’était l’histoire du risque, la création d’un nouveau PPR (PPRI à l’époque).

Par ailleurs, Monsieur Étienne a travaillé avec Xavier Bertin pendant 4 ans sur un projet à La Rochelle: un outil de gestion de risque qui s’appelle risky. Éric Chaumuillon, professeur de Géographie à l’université de La Rochelle, travaille depuis longtemps sur la pointe d’Arçay et sur la gestion sédimentaire et du trait de côte.

On est encore très loin d’une vrai relation avec le monde scientifique. L’intérêt de ces relations avec les scientifiques est surtout de leur mettre à disposition notre histoire, de faire des enquêtes. Mr. Étienne a fait 2 autres travaux avec Xavier Bertin sur des modélisations de submersion spécifiques à la Faute sur mer en essayant de les adapter sur des zones d’expansion de submersion : Voir si en mettant sur la commune des secteurs naturels en zone d’expansion de submersion, cela pourrait avoir un réel impact sur la cote de référence.


Quels sont les stigmates de la tempête sur le terrain au niveau morphologique et biologique ?


Il n’y en a pas eu ou peu. En effet, il y a eu un premier moment où les résineux (ici surtout les pins maritimes) ont très mal supporté les phases de submersion. Il faut dire qu’ils sont encore en activité au mois de février même si elle est faible par rapport à des arbres avec des feuilles caduques. Par ailleurs, les feuillus (par exemple les peupliers) ont très bien tenu car ils étaient en dormance lorsque la tempête est arrivée.

Aujourd’hui le paysage de la Faute sur Mer n’a pas de trace de stigmates, il a uniquement des traces de ce qu’a fait l’Homme après. Donc les grandes friches issues de la déconstruction se sont transformées avec  des essences plutôt pionnières en végétaux et ils ont évolué de façon classique avec soit des zones fauchées en prairies ou des zones plutôt arbustives. Une évolution qui aurait été identique même sans la tempête.


Quels sont les nouveaux dispositifs mis en place après la tempête, qu’est ce qui a changé entre la période avant la tempête et l’après-tempête ?


Xynthia est clairement un moment marquant dans l’histoire en France de la législation sur les constructions en zone à “risques”. Il y aura eu l’avant et l’après Xynthia entre autres sur les Plans de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) qui n’existaient pas avant Xynthia. Il y a aussi les Plans Communaux de Sauvegarde (PCS) et enfin sur la création de la GEMAPI. Cela a entraîné une nouvelle organisation territoriale de l’organisation des moyens de protection contre les inondations. La Faute a servi de commune “test” pour s’exercer à tout : ils ont fait 2 PPRL, 1 PLU, 2 PCS et une Gestion de GEMAPI complète avec 5 millions d’€ investis sur les digues, un transfert de la compétence GEMAPI vers la communauté de communes etc….

Aujourd’hui, on ne peut pas habiter dans des lieux tels que la Faute sur mer en n’étant pas conscients qu’on habite dans une zone à risque. Le plus difficile, c’est que les gens qui sont sur l’île de Ré, à Noirmoutier sur les bords de la Loire sont dans la même situation que les habitants de la Faute sur Mer et ne s’en sont pas encore rendu compte.

Sur le PLU de la Faute sur Mer, on ne parle pas du tout de plan d'extension urbaine. La ville ne compte pas gagner plus de 200 habitants sur une échelle de 25 ans. Il est plus sujet de renouvellement urbain et ils cherchent à adapter les nouvelles constructions aux risques encourus dans l’optique de 2100. On ne peut pas construire en zone rouge, en zone bleu on a le droit de construire mais il faut que la cote du premier plancher habitable soit à la côte que devrait avoir Xynthia en 2100 (60 cm au dessus des digues actuelles). En parallèle, au quotidien, on utilise le Plan Communal de Sauvegarde pour que les citoyens s’entraident entre eux. Finalement, la commune de la Faute sur mer est la commune la plus préparée à un événement dans ce genre.

A l’échelle des SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale), avec la problématique   des communes rétro-littorales, qui ont déjà prélevés énormément de terrains sur les zones agricoles, sur lesquelles ils auraient été question de faire des extensions de leur côté, sur lesquelles on est aussi en recherche de densification du centre bourg et sur lesquelles les afflux de populations supplémentaires venant des zones littorales vers les zones rétro-littorales n’est pas possible. Donc en bref, notre rétro-littoral aujourd’hui n’est pas capable d’accepter des transferts de population.

On leur a souvent parlé de délocalisation des populations vers l’intérieur des terres sauf qu’aujourd’hui la situation est déjà très difficile dans ces lieux en terme d’urbanisation. il n’y a pas de solution dans le bassin de vie local car les terres agricoles ont une très forte valeur ajoutée et un grand nombre a déjà été “dévoré” par l’urbanisation.

Merci à vous de nous avoir reçu, Bonne journée.

Interview MR. Étienne: Corps
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